Et si la composition des rôles dans une équipe comptait autant que les compétences individuelles pour réussir ensemble ?
Réconcilier personnalité et performance
L’étude de Senior, Lee, Thomas, Thornhill et Grove, publiée dans le Journal of Occupational and Organizational Psychology, aborde une question à la fois ancienne et brûlante pour les managers et les coachs d’équipe. Les rôles que jouent les individus dans une équipe influencent-ils réellement sa performance ? Et si oui, sous quelles conditions ? À travers une recherche rigoureuse sur plus de 1 000 participants issus d’une grande entreprise britannique, les auteurs analysent les liens entre typologies de rôles, dynamique d’équipe et résultats opérationnels.
Dépasser les traits de personnalité
Plutôt que de s’appuyer sur les classiques tests de personnalité comme le Big Five, les chercheurs adoptent la grille de lecture de Belbin, bien connue des praticiens. Celle-ci identifie neuf rôles possibles dans une équipe, allant du « coordinateur » au « compléteur-soigneur », en passant par le « créatif », le « propulseur » ou encore le « travailleur de terrain ». L’originalité de l’étude repose sur l’intégration de ces rôles dans un cadre empirique strict, avec des mesures de performance réelles, des observations indépendantes et des entretiens croisés.
Les résultats confirment que certaines combinaisons de rôles renforcent significativement la performance d’équipe. Ce n’est pas tant la présence d’un rôle isolé qui compte, mais l’équilibre global. Par exemple, la combinaison entre un rôle orienté vers l’action et un rôle tourné vers la réflexion semble favoriser la prise de décision rapide sans sacrifier la rigueur. À l’inverse, une dominance excessive de rôles similaires (par exemple trop de profils créatifs ou trop de coordinateurs) peut générer des effets contre-productifs, allant de la confusion à l’inertie.
Une approche dynamique de la complémentarité
L’étude met en lumière l’importance du contexte. Un même rôle peut avoir un effet bénéfique ou délétère selon la mission confiée, la temporalité du projet ou la maturité de l’équipe. C’est pourquoi les auteurs plaident pour une lecture situationnelle des rôles, et non pour une assignation rigide ou figée. Ils insistent aussi sur le fait que les rôles ne sont pas des traits de caractère stables, mais des fonctions que les individus peuvent apprendre à endosser selon les besoins du collectif.
Autre apport essentiel de l’étude, l’observation de l’impact de la diversité des rôles sur l’engagement subjectif. Les équipes perçues comme équilibrées dans la distribution des rôles génèrent un climat de confiance, une meilleure communication, une motivation accrue. La variété ne crée pas le chaos, elle stimule la coopération.
Vers une ingénierie relationnelle des équipes
Au-delà des résultats empiriques, cette recherche invite à repenser la manière dont les équipes sont constituées. Il ne s’agit plus uniquement d’aligner des compétences techniques, mais de composer une partition humaine cohérente. Connaître les rôles dominants d’un collaborateur devient un outil de pilotage stratégique. Adapter la composition d’une équipe à son objectif, son cycle de vie ou ses contraintes externes devient un levier d’efficacité organisationnelle.
Les auteurs insistent également sur la nécessité de sensibiliser les membres d’équipe à leur propre rôle, et à celui des autres. Cette conscience partagée des complémentarités réduit les frictions, augmente la responsabilisation, fluidifie les arbitrages. C’est une pédagogie de la coopération.
Conclusion : les rôles font le lien
Ce que révèle cette étude avec clarté, c’est que les rôles ne sont pas de simples étiquettes. Ils sont des articulations dynamiques qui donnent corps à la collaboration. Ils traduisent la manière dont chacun contribue au collectif, au-delà de son expertise métier. Et ils ouvrent une voie prometteuse pour faire de chaque équipe un organisme vivant, capable de s’adapter, de s’aligner et de performer.
Dans un monde de projets complexes et d’équipes éphémères, penser les rôles comme un levier de cohésion et d’agilité n’est plus un luxe. C’est une nécessité.
🗞️ Par Luc Bretones, fondateur du groupe NextGen, institut de formation, coaching et conseil en management certifié qualiopi. Les équipes NextGen interviennent du comex, codir aux équipes opérationnelles pour améliorer leur performance et leur fonctionnement. Luc Bretones est chercheur en innovation managériale et co-auteur du livre "L'Entreprise Nouvelle Génération" qui s'intéresse aux dirigeants de 30 pays ayant mis en œuvre de nouvelles formes de gouvernance, réengagé leurs forces vives autour d'une raison d'être fédératrice ou encore expérimenté une innovation managériale majeure. Expert de l'innovation produit qu'il a dirigée pour le groupe Orange pendant plus de 6 ans, il se consacre désormais à ce qu'il considère comme la prochaine grande disruption : les nouvelles formes de management et d’impact.
0 Commentaires